Entretien avec Karl Biscuit

Marcia Barcellos et Karl Biscuit, alias Système Castafiore, n’ont pas leur pareil pour créer des mondes fantastiques d’une beauté envoûtante. Kantus, créé à Grasse où leur compagnie est installée, dans le cadre du Festival de Danse de Cannes, ne fait pas exception. Une représentation est programmée au Escher Theater le 19 janvier. 

Quel est le point de départ du projet ?
Une archéologie du futur. On observe qu’à travers les âges et les cultures, la représentation de mondes disparus est un sujet constant : culte des ancêtres, esprits des morts, figures animales sacrées. L’imaginaire se mêle à la mystique dans une quête ontologique. Qu’en sera t-il dans notre futur, promis à la sixième extinction des espèces ? C’est ce que nous avons imaginé, à travers les activités de personnages hybrides qui organisent une sorte de cérémonie, un rituel mystérieux, voué à célébrer une époque révolue, sans doute la nôtre. Enfin, nous abordons la question de la spiritualité, aujourd’hui bien souvent confisquée par toutes sortes d’orthodoxies, de fondamentalismes et de dérives sectaires. Nous évoquons une humanité des temps futurs qui se confronte gaiement à la notion de transcendance.

On retrouve souvent la même équipe de création. Est-ce que vous créez en collectif ?
Nous tentons de prolonger, à notre façon, les travaux d’Alwin Nikolais, chorégraphe de l’« Art total » dont nous fûmes élèves. Dans nos pièces, il n’y a pas de subordination entre les disciplines : danse, musique, costumes, lumières, décors, vidéos et machineries théâtrales participent de la conception du spectacle. C’est donc un travail d’équipe qui s’appuie sur de multiples compétences. Il y a une direction artistique assumée par Marcia Barcellos et Karl Biscuit, on ne peut parler de collectif. Pour autant , les danseurs participent à l’écriture chorégraphique et les artistes qui nous accompagnent apportent énormément par leur créativité et leur talent. Être fidèles à nos équipes est le gage d’une grande complicité : par exemple, avec Christian Burle et Jean-Luc Tourné qui partagent nos aventures depuis plus de vingt ans ! Pour Kantus, nous avons pu donner une dimension « opératique » grâce à la présence de quatre chanteurs sur scène. Ils interprètent des chants polyphoniques a cappella, écrits et arrangés pour le spectacle. Ils sont aussi partie prenante de la mise en scène et incarnent des personnages. Avec neuf interprètes, les voix se conjuguent au mouvement dans ce projet immersif.

Vous êtes précurseurs dans la « création hybride » y a-t-il des pistes techniques que vous souhaitez développer par la suite ?
A l’époque du métaverse, l’art du théâtre est-il désuet ? Au contraire, sommes-nous susceptibles de nous approprier les avancées technologiques pour inventer de nouvelles formes ? C’est ce que l’histoire de nos métiers semble indiquer. Qu’il y ait donc des rideaux qui s’ouvrent sur ces mondes où le réel se mêle à l’imaginaire pour encore nous émerveiller !

Propos recueillis par le Théâtre National de Chaillot

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