Entretien avec Jean-Claude Gallotta

Après son passage en mars 2020 avec l’enivrant L’homme à tête de chou, le grand pionnier de la Nouvelle danse Jean-Claude Gallotta revient au Escher Theater avec son nouveau spectacle : Le Jour se rêve

Que s’est-il passé, chez Merce Cunningham, à la fin des années soixante-dix, à New York, et que l’on va retrouver ici ?
À New York, j’ai découvert un « esprit » de la danse, l’influence de John Cage, du groupe Fluxus ou de la Judson Church. De l’humour et de la pensée, de la fantaisie et de l’invention. Tous ces gens qui m’ont indiqué le chemin de la prise de liberté avec les règles et les canons de l’art. Je revois Merce Cunningham dans son studio nous interrompre en disant : « Ne faites pas les héros », nous faisant comprendre ainsi que « la danse, ce n’est pas à celui qui saute le plus haut ! ». Je le revois dans la Cour d’honneur à Avignon effectuant quelques mouvements de bras qui tout d’un coup m’ont fait percevoir l’aura de la danse, comme la peinture impressionniste l’a fait par rapport au réel… C’est là que je me suis dit : je veux faire ça. Le Jour se rêve est un hommage à cet homme qui aurait 100 ans aujourd’hui et qui nous inspire encore.

Vous travaillez sur trois tableaux et deux solos, avec dix danseurs et danseuses…
Oui, nous allons créer trois chorégraphies, chacune d’environ 25 minutes avec trois « couleurs » différentes, trois « peaux ». Une première partie plutôt transe et chamanique qui serait un hommage à la nature et aux troubles solaires, une deuxième partie plutôt urbaine hommage à la ville phosphorescente et folle, et une troisième partie très rythmée comme une comédie musicale du 22ème siècle où les duos se frotteront aux ensembles diaprés pour finir sur un épilogue enivrant. Entre les parties je vais danser sur des chansons étranges et belles de Rodolphe Burger. Deux solos donc, à la fois lyriques, dadaïstes et documentaires…

Que demandez-vous à Rodolphe Burger ?
J’ai rencontré Rodolphe Burger par l’intermédiaire de Bashung avec qui il avait travaillé. On s’est approché, et l’année dernière, je suis allé le voir. J’avais déjà repéré des choses dans ses albums, des morceaux que j’aimais et même des durées. J’avais besoin de trois séquences musicales. Il a été d’accord. Nous sommes allés dans son studio en Alsace. Là, seul avec sa guitare et ses machines, il a improvisé les trois séquences. Magnifiquement.

Quelle est la première chose que vous demandez à vos interprètes ?
Aux danseurs, je demande, je crois, une disponibilité de corps et d’esprit. Je leur parle de la structure de la pièce, de Rodolphe Burger, de Dominique Gonzalez-Foerster et puis je les lance sur des gestes. À eux de proposer comment les prolonger. Ensuite, bien sûr, toutes ses propositions sont à structurer. J’ai des interprètes extraordinaires qui jouent le jeu. Je les laisse libres d’improviser, mais ils me laissent libre aussi de réinventer continuellement, en parfaite confiance. Ainsi, chaque jour se rêve…

Propos recueillis par Pierre Notte pour le Théâtre du Rond-Point

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