Entretien avec Jean-Claude Gallotta, chorégraphe de “Pénélope”

Après les enivrants L’Homme à tête de chou et Le Jour se rêve, le grand pionner de la Nouvelle danse Jean-Claude Gallotta revient au Escher Theater le mercredi 22 février 2023 avec le ballet Pénélope.

Qui est-elle, cette Pénélope ? Une femme soumise ? Une femme qui attend ? Une femme qui résiste ?
Je crois que le personnage de Pénélope échappe justement à toute catégorisation… Selon l’époque, on va interpréter sa fidélité comme une soumission, ou inversement. On la jugera rusée ou combattante, forte ou faible. La plupart des figures mythologiques sont ré-interprétables, sans fin. Dans mon spectacle, il y a cette idée, complexe, que Pénélope tire sa force de sa faiblesse… Sa faiblesse, dans laquelle la société, voire la civilisation, essaie de la maintenir. Sa force, c’est son caractère, sa détermination, sa personnalité propre.

Sommes-nous à Ithaque ? Ou dans un lieu abstrait ? Un rêve ? Comment la voyez-vous, la chambre de Pénélope ?
Nous ne sommes que là où nous sommes, sur un plateau de danse… La scène ne figure rien d’autre, si ce n’est qu’en passant d’Ulysse à Pénélope, elle change de couleur, du blanc au noir, peut-être plus conforme à l’univers de Pénélope recluse dans son palais. Je ne souhaite pas que l’imaginaire du spectateur soit suscité par un élément de décor, des accessoires ou des costumes qui « figureraient » un espace. Seules la danse et les musiques (pour ce spectacle, j’ai passé commande à trois compositeurs) doivent provoquer des sensations, des émotions. La scène de Pénélope est alors davantage la chambre noire de l’appareil que la photo elle-même.

Que s’y passe-t-il ?
Dans l’acte 1, les prétendants « cherchottent » la femme qui se déguise en plusieurs femmes. Acte 2, les danseuses sont réunies pour faire de leur fierté un combat. Acte 3, les hommes font des solos comme des candidats qui aiguisent leurs charmes. Acte 4, une danse de groupe comme une réconciliation finale, une égalité en forme de victoire… Chaque acte est accompagné par une musique différente. Et entre ces actes, viennent de courts monologues (écrits par Claude-Henri Buffard) sur les images filmées d’un duo, sorte de dialogue dansé entre une probable Pénélope et un possible Ulysse.

Que demandez-vous à vos danseurs ? Votre danse devient-elle chaque fois toujours un peu plus charnelle, sensuelle, sexuelle ?
Je ne saurais pas dire ce que ma danse devient… Il y a sûrement des évolutions, mais elles restent plus secrètes pour moi que pour ceux qui la regardent. La seule chose dont j’ai conscience, c’est mon besoin de vitalité. Il m’est nécessaire, de plus en plus, de faire valoir toutes les énergies que mes interprètes m’apportent. Ce que je leur demande, c’est qu’ils m’aident à montrer que la vie s’obstine. Contre toutes les défaites.

Y a t-il une danse engagée ? Une danse qui donne à penser ? Pénélope a-t-elle pour vocation de réveiller ? De secouer ? D’émerveiller ?
La danse est une expression libre du corps qu’aucun pouvoir ne peut contrôler. C’est un art spontanément rebelle. Il faut le tenir à l’œil. Gilles Deleuze dit « le pouvoir exige des corps tristes parce qu’il peut les dominer », il me semble alors qu’une danse de la joie est forcément « résistance », elle n’abandonne pas. « La joie en tant que puissance de vie, dit encore Deleuze, nous emmène dans des endroits où la tristesse ne nous mènerait jamais. » Les régimes oppressifs non plus.

Extrait de propos recuillis par Pierre Notte pour le Théâtre du Rond Point.

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