Entretien avec Renelde Pierlot, metteuse en scène de “Les jours de la lune”
Published on 12.02.2025
La metteuse en scène belgo-luxembourgeoise Renelde Pierlot nous invite à une aventure théâtrale haute en couleurs avec Les jours de la lune, une création festive et jubilatoire qui célèbre la fin d’un tabou : celui des règles. La première aura lieu le 28 février au Escher Theater.
Comment est née l’idée de Les jours de la lune ?
L’idée est née en 2020, pendant le confinement. Sentant que tout allait fermer, j’ai couru à la bibliothèque pour emprunter une pile de livres. L’un d’eux, Le livre noir de la gynécologie, m’a profondément marquée : il abordait les violences gynécologiques. Cette lecture a éveillé en moi l’envie de traiter ce sujet sur scène. Mais je voulais que ce soit une création lumineuse, joyeuse et porteuse de réflexion. C’est ainsi que j’ai choisi de me concentrer sur une thématique en particulier : les règles. On sent aujourd’hui une libération progressive de la parole sur ce sujet, et j’avais envie de célébrer cette fin de tabou. Le spectacle sera festif et jubilatoire, tout en véhiculant des messages puissants.
Comment as-tu abordé la conception de la pièce ?
Tout d’abord, je me suis énormément documentée, j’ai lu beaucoup d’articles et d’ouvrages sur le sujet. Puis j’ai commencé à recueillir des témoignages de personnes, hommes et femmes, d’âges et de cultures différentes. En parlant des règles, on soulève une multitude de questions de société. À travers les témoignages, on se rend compte qu’il existe encore une méconnaissance importante du fonctionnement du cycle menstruel et du corps féminin en général. Le manque d’informations et les non-dits qui persistent ont des conséquences directes sur notre société : cela impacte la santé des femmes mais aussi les méthodes de contraception, qui reste à la charge des femmes du fait qu’il n’existe que très peu de recherche sur la contraception masculine. Le but de la pièce est de mettre en lumière tous ces sujets soi-disant intimes.
Comment s’est déroulée l’écriture de Les jours de la lune ?
Le défi a été de synthétiser tous les témoignages et tous les sujets de société soulevés par la thématique. Francesco Mormino m’a donc rejointe dans le processus d’écriture, se nourrissant des recherches et des idées que j’apportais. La construction de la pièce suit une double chronologie : historique, d’une part, puisque nous retraçons l’histoire des règles depuis l’avènement de l’humanité à travers divers tableaux et personnages célèbres, et une chronologie individuelle puisque que nous suivons l’évolution du cycle menstruel dans la vie des femmes depuis les ménarches (nom scientifique des premières règles) jusqu’à la ménopause. Pour représenter tout cela, nous avons créé quatre personnages : trois femmes de trois générations différentes… et un homme. C’était important pour moi de montrer que ce thème n’est pas « une histoire de bonnes femmes », mais qu’il concerne aussi les hommes. Après tout, si nous, toutes et tous, existons sur terre, c’est qu’une personne menstruée nous a porté.e.s et mis au monde ! Nous avons ensuite travaillé avec les comédien.ne.s en leur laissant une grande liberté d’improvisation. Il était important qu’ielles soient traversé.e.s par la matière et qu’ielles puissent enrichir le texte de leurs propres idées et ressentis.
Quelles ont été tes intentions dans la mise en scène de ce spectacle ?
J’ai voulu créer un univers festif et pédagogique. Chaque acte explore visuellement et de manière ludique ce tabou tout en apportant des informations essentielles. L’équilibre est crucial : rendre le sujet accessible sans en occulter la gravité, tout en créant un espace de célébration. Des témoignages vidéo des personnes rencontrées lors de la préparation de la pièce ponctuent les scènes de jeu. La scénographie et les costumes imaginés par Peggy Wurth [artiste résidente du Escher Theater] évoquent aussi des références visuelles familières comme des tableaux célèbres. Enfin, les idées et talents des comédien.ne.s contribuent à rendre le spectacle véritablement jubilatoire.