Entretien avec Miguel Decleire, metteur en scène du spectacle “Idiomatic”

« Jusqu’ici tout va bien », et « Relax don’t do it, When you want to go to it, Relax don’t do it, When you want to come », sont les fiévreuses devises de Bernard Breuse et Miguel Decleire, qui forment, avec Stéphane Olivier, la direction artistique de Transquinquennal. Sous ces adages, après avoir participé à Bruxelles Capitale européenne de la culture en 2000, le collectif belge réitère l’expérience pour Esch2022, en proposant Idiomatic au Escher Theater : un projet aux problématiques profondément européennes.

Le collectif bruxellois « Transquinquennal » a réuni cinq comédiens·nes qui ne parlent pas tous·tes la même langue, pour explorer les occasions de ne pas se comprendre, dans le plaisir du quiproquo. Vous pouvez nous parler de la genèse de ce projet théâtral ?
En tant que Belges vivants à Bruxelles, on est habitué·es à la cohabitation des langues. On travaille avec des compagnies flamandes et la question des langues nous a toujours intéressés. On s’est demandé comment rendre cette question théâtrale, et donc on a imaginé un dispositif incluant plusieurs comédien·nes, mais sans langue unanimement commune. Pour nous, c’était aussi une manière d’interroger notre rapport aux langues, principalement en Europe. On a travaillé avec un premier groupe de comédien·nes parlant des langues apparemment peu familières entre elles, comme l’allemand, le roumain, le norvégien, le slovène et le français… Cette première mouture du spectacle a tourné dans plusieurs pays, et on a contacté divers théâtres, y compris au Luxembourg où Carole Lorang du Escher Theater s’est montré intéressée par le projet. Au vu de la situation linguistique si particulière au Luxembourg, on s’est vite rendu compte qu’il fallait recréer le spectacle autrement.

Scéniquement malléable, totalement ajustable pour être au plus proche du propos, avec une équipe artistique interchangeable : comment s’écrit et se crée un spectacle comme Idiomatic ?
On fonctionne comme on le fait souvent… On prend contact avec la réalité, on se met en face d’elle. On discute beaucoup de la situation, on fait des recherches, on essaye de se documenter autant que possible. Puis on essaye de trouver un biais spécifique qui rende compte d’une théâtralité mêlant à la fois la réalité et ce qui pourrait s’apparenter à une fiction. Le spectacle est donc une sorte de conférence théâtralisée, dont le thème central est l’insécurité linguistique. C’est un peu le thème qui a parcouru toutes les versions précédentes, finalement. On a chaque fois cherché à analyser ce qui se passe quand on ne comprend pas la langue de l’autre, quand on ne parvient pas à s’exprimer, ou quand on ne se sent pas suffisamment capable ou légitime pour parler sa langue ou celle de l’autre.  La conférence est axée là-dessus, et nous y participons tou·tes pour interroger ce que c’est qu’une langue, si c’est un outil de communication, un vecteur de culture, d’identité… ou encore autre chose. Le rôle de la langue est-il de permettre l’intégration à une communauté, de se distinguer des autres ou au contraire de faire des ponts entre les communautés ? C’est ce qu’on essaye d’explorer dans Idiomatic.

Comment s’adresser à cette multitude de publics, aux profils différents au fil de vos représentations à travers l’Europe ?
Le public est à chaque fois différent et donc on se donne les moyens d’en tenir compte dans le spectacle, que ce soit pour les représentations scolaires ou tout public. De notre côté du plateau, il y a toujours une dimension d’ouverture face aux réactions de la salle. La particularité d’Idiomatic est de jouer sur les incompréhensions possibles entre comédien·nes. Du coup, ça nous semblait intéressant de répercuter cela également dans la salle. On met en branle l’idée que tout le monde ne comprend pas tout, un facteur qui fait partie de la dramaturgie du spectacle. Il s’agit de s’autoriser à ne pas comprendre. Quand tout n’est pas explicite, mon voisin a compris quelque chose que je n’ai pas compris, et vice et versa. Qu’est-ce que cette dimension-là peut raconter ?

 

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