Mettre en lumière ces frontalières invisibles

« Les Frontalières » est un projet de théâtre documentaire sur les frontalières du Luxembourg, adapté suite aux aléas de la pandémie de Covid-19 sous forme de spectacle sonore diffusé au printemps par podcasts. À la faveur de la réouverture des lieux culturels luxembourgeois, une version scénique de cette création radiophonique aura lieu le 31 janvier 2021 au Escher Theater. La metteure en scène Sophie Langevin en dit quelques mots.

Quelle a été la genèse de ce projet ?
Je vis dans la capitale du Luxembourg, je prends la route souvent au matin et croise cette file ininterrompue de voitures tel un serpent lumineux, avec au volant des personnes le plus souvent seules, qui viennent travailler dans un autre pays que le leur. Le Luxembourg a cette particularité unique au monde de voir près de la moitié de sa population active venir de l’étranger. Une foule de personnes qui traversent les frontières chaque jour, donnent leur force de travail, leur énergie et qui rentrent en fin de journée par le même chemin emprunté au petit jour pour revenir dans leur autre monde. Je me posais beaucoup de questions sur ces « vies transfrontalières ».

Pourquoi les frontalières ?
La question des frontaliers est un sujet peu mis au jour dans l’espace public et quand il l’est, il est associé quasi exclusivement aux problèmes de mobilité ; ce qui, en soit, en dit long sur le rapport que notre pays entretient avec ces hommes et ces femmes qui représentent près de la moitié des travailleurs œuvrant au développement du pays. Cette position de « passagère / frontalière » fait que ces femmes ne sont donc pas pleinement inscrites dans la société dans laquelle elles travaillent. Elles n’ont pas droit de cité. Elles pourraient sembler hors sol. Elles semblent invisibles. Je souhaite donc les mettre en lumière : explorer comment elles vivent cette vie en abordant les questions de la gestion de la vie de famille, de leur sentiment d’appartenance au Luxembourg, du rapport qu’elles entretiennent ou non avec les résidents luxembourgeois.

Après plus d’un an, comment a évolué ta recherche ?
Au départ, j’ai essayé de me demander s’il y avait une identité frontalière. La question de l’identité m’alerte moi-même quotidiennement, en tant que personne étrangère dans un pays qui accueille des personnes de mon pays d’origine dans lequel je n’ai jamais vécu… C’était vraiment l’une des questions de départ et à travers toutes les interviews que j’ai pu mener, c’est une question qui reste encore entière. Je ne sais pas s’il y a une identité frontalière, en tout cas, c’est une identité partagée entre le chez soi et le lieu du travail, entre deux cultures. Il s’agit véritablement de répondre à cette question liée à l’identité, parce que je pense que tant que nous n’aurons pas défini d’objectifs et de désirs communs, cette identité ne pourra pas se construire.

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