“MEMM” ou la résilience joyeuse

Gravement blessée au bras lors des attentats du 13 novembre 2015, l’acrobate-voltigeuse Alice Barraud a créé MEMM, un spectacle qui raconte sa lente reconstruction physique et morale, dont une représentation aura lieu le 7 juin au Escher Theater. Elle est sur scène avec Raphaël De Pressigny, le batteur du groupe Feu! Chatterton.

MEMM. C’est l’acronyme de l’expression qu’Alice Barraud a entendu tant de fois, elle qui a été au mauvais endroit, au mauvais moment.

Ce “mauvais moment”, c’était le 13 novembre 2015. Attablée à la terrasse du Petit Cambodge, la jeune femme est touchée de plein fouet par une balle de kalachnikov qui traverse son bras gauche. La carrière de cette circassienne, diplômée du Centre Régional des Arts du Cirque de Lomme, spécialisée dans la voltige de main à main et le portique coréen, est brutalement arrêtée. Pour de bon selon certains médecins pour qui elle ne reprendra jamais son activité. “Heureusement, dans le lot, il y a eu un merveilleux chirurgien, un seul, qui m’a laissé entendre qu’en fait, personne n’en savait rien. Je me suis accrochée à ce mini-espoir.”

L’espoir passe d’abord par la reconstruction physique. Alice subit plusieurs opérations. “On a cherché ensemble comment faire pour réparer mon bras au mieux. Il fallait parfois choisir entre le solide et le pratique. Ainsi, on a conservé mon cubitus cassé pour permettre le geste de la rotation du poignet. J’ai dû me muscler pour protéger l’os cassé et pouvoir à nouveau tirer et pousser avec ce bras, mais il y a des choses que je ne peux plus faire comme les autres.”

Vient ensuite la reconstruction morale, aussi longue et douloureuse. Dès sa sortie de l’hôpital, Alice note dans des carnets son quotidien, ses doutes, ses difficultés, ses espoirs, ses rechutes. “Je voulais raconter ça sans mentir. A chaque fois, on essaye, on retombe et on se relève. C’est comme ça que je me suis reconstruite, en me disant que je pouvais aller plus loin. Ça a marché, mais pas totalement”, avoue t-elle avec un sourire. “Je suis encore handicapée ! Mais en tout cas, dans la vie, il n’y a rien qui me touche plus que quelqu’un qui se bat pour aller plus loin”.

Malgré ce handicap, la jeune femme a trouvé l’énergie d’inventer son propre langage corporel et de nouvelles façons de pratiquer la voltige. Dans le spectacle, elle est suspendue à un trapèze, chose qui paraissait inimaginable au départ.

Avant ce drame qui a failli mettre un terme à sa carrière, Alice travaillait au sein de compagnies avec d’autres artistes. En créant son propre spectacle autour de son histoire, elle a aussi repris les rênes de sa vie. Une façon de ne plus dépendre des autres.

Dans la vie et sur scène, Alice n’est pas seule. Raphaël De Pressigny, son compagnon, l’a soutenue et accompagnée dans cette renaissance humaine et artistique. “Pour ce spectacle, il a fallu assurer tous les recoins d’une reconstruction post-traumatique”, explique celui qui est aussi le batteur du groupe Feu! Chatterton. “Ça passe par énormément d’émotions différentes. Des émotions dures comme la douleur, la colère, la tristesse, mais aussi énormément de scènes absurdes, drôles, belles, poétiques”.

La musique a permis de transcender cette matière parfois “lourde”, de la digérer. “Sa musique m’a offert de sortir des choses que je n’arrivais pas à dire avec des mots, notamment sur le thème du handicap”, souligne Alice Barraud. “En bougeant, j’ai pu exprimer avec le corps ce que j’avais besoin de dire”.

Article de Chrystel Chabert paru sur Franceinfo Culture

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