Entretien avec Patrice Thibaud, comédien et metteur en scène

Entretien réalisé par Kilian Orain pour Télérama, 18.07.2024

La bonhomie et son visage doux attendrissent d’emblée. Patrice Thibaud a le sourire des hommes heureux. L’auteur, comédien, metteur en scène aime toujours autant amuser la galerie. De ses maîtres (Keaton, Jerry Lewis, Tati…), il n’a gardé que l’essence : utiliser son corps pour faire rire les spectateurs. Avec son comparse Philippe Leygnac, cet éternel enfant joue actuellement dans Fair Play. Une pièce joyeuse et burlesque sur le sport.

Pourquoi avoir voulu faire un spectacle sur le sport ?
Ce qui m’intéresse n’est pas tant le sport en lui-même mais les tics qui l’entourent. Je suis un grand observateur de mes contemporains. J’adore être à la terrasse d’un café et regarder les gens passer. Je tiens ça de mon grand-père qui m’a appris à repérer le petit détail que personne ne voit et dont on peut tirer de la poésie, de l’humour, ou de la tendresse. Quand je regarde un match de foot, je préfère ainsi scruter les arbitres et le banc de touche, ou bien les tics des joueurs, que le match en lui-même. Et puis, le sport est aussi le prétexte pour imaginer ce qui relève d’une performance à nos âges. J’aime bouger et m’amuser à 60 ans comme je le faisais dans une cour de récré.

D’où vient ce désir de rire et de faire rire ?
Je vais vous dire la même chose que beaucoup d’artistes : je pense que cela provient d’un manque d’amour. Quand mes parents ont divorcé, jeunes, je suis allé en pension pendant cinq ans, dans une école de curés. Je me couchais souvent en pleurant. J’avais besoin qu’on me montre qu’on m’aimait. Et donc j’ai commencé à faire rire les personnes autour de moi. Très vite, je suis devenu le chouchou de la classe, les professeurs m’adoraient. Aujourd’hui, quand je vois le public qui rit en sortant de mes spectacles, ça me fait plaisir.

Comment le théâtre est-il arrivé dans votre vie ? Même si j’ai une petite idée…
Oh non, vous n’avez aucune idée ! C’est une histoire incroyable… C’est comme si une force m’avait poussé, bien que je sois pourtant athée. En sixième, j’ai commencé à jouer des sketchs de Fernand Raynaud et Raymond Devos chaque fin de trimestre, lors de fêtes organisées par mon école. Et ça cartonnait ! Plus tard, alors élève dans une formation de décorateur-étalagiste, j’ai rencontré Marie, une amie que je vois toujours. Elle faisait du théâtre et me tannait pour que je l’accompagne. Je lui disais toujours non. Un jour, après un terrible chagrin d’amour, j’ai décidé d’y aller pour me changer les idées.

Que s’y est-il passé ?
En retard, je pousse la porte et je ne vois que des babas cool, cheveux longs, pieds nus, en plein exercice. J’entends le metteur en scène leur dire « vous êtes dans une motte de beurre ». Là, je referme la porte en me disant : « Oh mon Dieu, ce n’est pas pour moi ! » Le metteur en scène court me rattraper dans la rue. Et finalement je reviens après son insistance. Nous faisons une séance d’improvisation, où je fais rire tout le monde. Et je décide de revenir les séances suivantes. Parallèlement, mon grand-père me propose de reprendre sa société d’import-export de fruits et légumes. Je n’avais pas de métier, c’était une chance ! Mais quelques mois plus tard, alors que j’étais prêt à abandonner le théâtre, mon grand-père m’annonce son cancer et sa mort imminente. Il me dit alors : « Fais du théâtre ! »

Comment avez-vous rencontré votre comparse Philippe Leygnac ?
Vous voulez dire comment j’ai rencontré mon petit génie, ma muse ? [Rires] On s’est rencontrés grâce à Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff qui mettaient en scène Les Étourdis. J’ai été d’emblée impressionné par sa capacité à tout faire : musicien, compositeur, performeur… Depuis on s’inspire mutuellement. On ne se quitte plus ! Et ça fait seize ans que ça dure.

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