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Publié le 18.11.2025
Après le succès de Frankenstein l’année passée au Escher Theater, la compagnie Karyatides revient avec un autre classique revisité. Elle propose une plongée singulière dans Crime et Châtiment, dans son style si particulier mêlant théâtre d’objet, humour, musique et souffle tragique.
Anatomie d’un crime
« C’est l’histoire de Raskolnikov, un jeune homme révolté, écrasé par la misère. Il est en lutte contre l’injustice, la pauvreté et le peu de perspectives que lui offre le monde. Alors, pour réaliser sa liberté par-delà la morale et au mépris de la loi, il vole et assassine une vieille usurière. Après tout, le monde sera mieux sans elle, et le butin pourra être redistribué…
Ce spectacle est l’anatomie d’un crime, de son fantasme à son aveu. Il est livré dans un rythme haletant, entre action et réflexion, ponctué d’humour et de chants.
Nous sommes fidèles à l’œuvre pour une grande part, mais nous avons dû faire des choix parmi les personnages principaux.
Pour que ce crime sordide interroge la société, nous mettons donc en scène un tribunal. De cette situation de départ, les personnages eux-mêmes nous font, par leurs récits et témoignages, plonger dans le temps où les faits se sont déroulés.
Nous pouvons ainsi faire des allers-retours entre présent et passé, narration, jeu direct et manipulation. Ce procédé permet également de rendre compte de la polyphonie du roman, en multipliant les angles de vue, et de mettre en jeu, via la trajectoire de Raskolnikov, des questions morales et philosophiques qui ont trait à la liberté, à la responsabilité, à la culpabilité, à la justice non-divine (mais sociale et institutionnelle). »
Dispositif et dramaturgie
« Le décorum et le langage technique du tribunal sont juste suggérés par une barre et par une adresse simple et directe au public. Le public peut alors s’identifier, se sentir concerné, se positionner comme s’il devait juger cet homme, ou son acte, dans toute sa complexité.
Il lui faudra alors comprendre et embrasser le contexte, dont la misère, peinte dans le roman avec tant de force poignante, sans pour autant le dédouaner de sa responsabilité morale.
Il faudra entendre et peser les avis des un·es et des autres: Dounia, la soeur, qui condamne résolument son frère pour son acte ; Porphyre, le flic qui condamne uniquement l’acte, mais pas l’homme ; Sonia la prostituée qui se condamne elle-même pour sauver Raskolnikov dans un geste sacrificiel… et celles et ceux qui condamnent avant tout la société injuste et pervertie, à commencer par son ami le plus proche, et une partie des étudiants présents au bar dont les discussions enflammées ponctuent le récit de réflexion politiques et sociales… de comptoir.
Nous déployons un dispositif scénique sobre, constitué d’une table centrale et de plusieurs supports. Deux acteur·ices jouent entre narration, manipulation et incarnation avec des figurines de divers formats et des éléments de décor récupérés, rafistolés.
Figurines en bois, plâtre ou résine, poupées en tissus sont les personnages principaux. Il y a parfois des clins d’oeil: une tasse sculptée figure le patron du bar, des bouchons de bouteilles aussi sculptés figurent les habitués du bar…
Nous naviguons entre le langage du théâtre d’objet et celui de la marionnette. L’espace est très ouvert. Il déploie ses possibilités avec une grande économie de moyen : lumière, déplacement d’un élément, passage à la barre.
Nous élaborons une esthétique dépouillée, rendant compte de la pauvreté, des cauchemars, des affres psychologiques de Raskolnikov, de la turpitude et de la beauté intérieure des personnages. Sans oublier l’humour.
La dramaturgie est multiple, et croise différents langages. Elle prend en compte le texte, les images, le jeu, le son et la musique. Robin Birgé livrera sous peu une note dramaturgie plus complète. »
Un spectacle musical
« Le cabaret est un lieu où une partie de l’action se passe, et où le chant peut être en arrière-plan d’une autre action.
Ainsi, le patron du dit-cabaret raconte son désespoir face à la misère dans un morceau de Scarlatti accompagné d’un son de guitare électrique, donnant au lieu une ambiance rock et suave, pendant que Raskolnikov tente d’échapper à la mélancolie.
Plus tard, le riche Loujine chante dans ce même cabaret sa déception suite à la rupture d’avec sa fiancée Dounia. Ce, dans une ambiance de karaoké où il se prend ridiculement au sérieux, victime d’une situation qu’il a provoquée, self-made man incompris, pendant qu’une tablée d’étudiants en avant-plan parle de violence sociale et de politique et essaye tant bien que mal de s’entendre par-dessus la chanson.
Dans sa chambre, pris par les délires de sa conscience, Raskolnikov voit et entend sa victime lui chanter sa plainte en accents mélancoliques qui rendent l’apparition fantomatique d’autant plus effrayante.
Qu’ils soient repris du répertoire ou (re-)composés, les chants ou le sprechgesang interviennent au cours du récit pour donner une respiration, appuyer une émotion, faire avancer l’intrigue.
Ils apportent une ambiance tantôt mélodramatique, tantôt humoristique, tantôt les deux en même temps.
Dans une certaine mesure, notre adaptation prend volontiers des allures de comédie musicale.
L’usage de la musique classique est au service de notre adage : révisez vos classiques. Nous ne révisons pas que la littérature.
Parfois les airs restent purs, intacts, nous respectons entièrement leur composition et l’interprétation qu’ils nécessitent. Pour d’autres airs, nous créons des arrangements et sortons des sentiers battus.
Il y a une balade au piano de Louis Moreau Gottschalk, un contemporain de Chopin mais bien moins connu, qui revient souvent. Ce sera le thème de la mère de Raskolnikov. Nous reprenons une partie de cette balade au piano, elle revient comme une boucle nostalgique qui hante Raskolnikov jusque dans ses rêves.
Un dernier mot : les Karyatides regardent l’œuvre de Dostoïevski dans un miroir, et le public y verra tous ses fantômes. »
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